La doctrine de l’autorité des marchés financiers​

Par Christophe De Watrigant, Avocat à la Cour

La doctrine de l’autorité des marchés financiers​

Publié dans “Droit des Sociétés” en mars 2014

La doctrine de l’AMF s’organise autour d’instructions, de positions, de recommandations, de pratiques de marché admises, et autres rescrits. Il est parfois difficile de cerner la portée propre à chacune de ces normes.

Pour clarifier cette question, l’AMF a décidé d’engager avec les professionnels des marchés financiers une réflexion concernant l’élaboration, la compréhension, et la diffusion de sa doctrine. Il s’agit pour l’AMF d’une démarche d’extériorisation de sa doctrine. De cette consultation, sont nés plusieurs principes directeurs, communiqués par l’AMF en juin 2013.

Quelles normes pour quelle portée ? « L’instruction » tout d’abord: elle est utilisée chaque fois qu’il s’agit d’interpréter une où plusieurs dispositions du Règlement général de l’AMF, Elle stipule dans ce cas les modalités d’application et les conditions de mise en œuvre des articles du Règlement général. Il y a ensuite « la position » : celle-ci est utilisée chaque fois qu’il est nécessaire d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires entrant dans l’un des domaines de compétence de l’AMF, Elle permet à l’AMF de faire connaître la façon dont elle comprend ces dispositions législatives et réglementaires, et entend les appliquer à l’avenir pour plus de prévisibilité. 
« La recommandation » maintenant : elle a une vocation incitative, et n’a aucun caractère contraignant ou impératif. Elle constitue une invitation à adopter un comportement plutôt qu’un autre. Au-delà d’une simple invitation, la recommandation, lorsqu’elle est respectée, peut aussi contribuer à faire naître une présomption de conformité à la réglementation. Parfois, le respect ou non d’une recommandation peut être un élément d’appréciation, parmi d’autres, d’un dossier individuel (par exemple à l’occasion d’une demande de visa ou d’une demande d’agrément…

Il y encore « la pratique de marché admise » : dans le domaine uniquement des manipulations de marché, elle permet d’instaurer une présomption de légitimité en faveur de celui ou celle qui décide de s’y conformer. L’AMF publie sur son site internet sa décision d’acceptation ou de refus d’une pratique de marché en l’accompagnant d’une description de celle-ci. Elle précise quels sont les facteurs pris en compte pour déterminer l’acceptabilité de la pratique concernée, en particulier lorsque ses conclusions diffèrent de celles retenues sur des marchés financiers comparables d’autres états membres de la Communauté européenne.

Pour ajuster la réglementation, en particulier aux évolutions dans l’environnement des marchés (modifications de règles de négociation ou des infrastructures de marché), l’AMF procède périodiquement au réexamen des pratiques de marché admises. Il y a enfin « le rescrit » : souvent méconnu (AMF, RG, art. 121-1 à 123-T), il permet de solliciter par écrit un avis de l’AMF quant à la conformité d’une opération au regard des dispositions du Règlement général. Le rescrit ne fournit qu’une réponse individuelle : juridiquement, cette réponse ne vaut que pour le demandeur. Néanmoins, la publication anonymisée par l’AMF de l’avis permet aux tiers de comprendre l’application des dispositions de son Règlement général a telle où telle opération particulière. Le rescrit demeure toutefois rare, pour ne pas dire très rare (pour Un exemple de rescrit, V. par exemple, Th. Granier, un rescrit de l’AMF relatif à l’appel public à l’épargne : Bull. Joly Bourse 2006, p. 499, $ 107).

Une doctrine accessible Pour permettre une compréhension de sa doctrine par le plus grand nombre d’intéressés, l’AMF s’engage désormais à respecter un formalisme précis : chaque type de communication doit renvoyer à des mentions spécifiques. Un peu de standardisation, dans la formalisation, permet surtout de diminuer les erreurs de lecture. En premier lieu, le document doit spécifier, de façon apparente, la nature du document, qu’il s’agisse d’une instruction, d’une position, d’une recommandation, d’une pratique de marché admise, ou d’une réponse à rescrit.

En deuxième lieu, le document doit viser une référence, dont la construction est invariable : d’abord un préfixe « DOC » (confirmant de la sorte qu’il est question d’un élément de doctrine), puis l’année de publication initiale, et enfin un numéro qui lui est propre (Pour un exemple récent : position 2006-14, à propos des déclarations d’opérations par les dirigeants et assimilés – document créé le 28 septembre 2006, puis modifié le 16 avril 2008, puis le 26 mai 2009, et enfin le 8 juillet 2013. Lorsque le document fait l’objet de plusieurs éditions, les services de l’AMF précisent, généralement en pied de page du document, la date de première édition, puis les dates des modifications successives.)

En troisième lieu, et sous forme de visa, les textes de référence doivent apparaître immédiatement après le titre du document. Sont ainsi répertoriés tous les textes de loi et articles du Règlement général de l’AMF, concernés par l’instruction, la position, la recommandation. Enfin, les rédacteurs sont invités à faire usage d’un vocabulaire, certes précis, mais surtout cohérent avec la nature et la portée du point de doctrine abordé. Il arrive parfois que les services de l’AMF publient des documents de doctrine qu’ils qualifient de « mixtes ». Ceux-ci peuvent alors contenir à la fois des positions et des recommandations (pour un exemple récent : position – recommandation n° 2010-23, à propos des obligations de déclaration TRACFIN à la charge des PSI), ou toute autre forme d’interprétations ou de préconisations. Le recours à ce type de publication « mixte », ou hybride, permet d’accéder à une synthèse sur un thème précis, à partir d’un seul document. 

Ce regroupement n’est pas pour autant synonyme de résumé : toutes les positions et recommandations sont clairement répertoriées, et parfois mises en exergue au moyen d’encadrés si nécessaire lors de leur publication (pour un exemple récent : position 2009-22, à propos des interventions pour compte propre des PSI en période d’offre publique). Parfois, et seulement si le sujet s’y prête, l’AMF peut utiliser d’autres modes de communication. C’est ainsi que l’on voit de temps en temps surgir sur le site internet du régulateur des guides, des rapports, des questions/réponses, ou bien encore des lignes-directrices (pour un exemple récent : position — recommandation n° 2010-22, concernant les lignes-directrices en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme). Elle procède de la sorte si ses services sont convaincus que l’expression du propos gagne ainsi en clarté, précision, et cohérence.

Ici vous pouvez retrouver la publication originale en format pdf

Autres publications

Les mandats de gestion programmée

Les mandats de
gestion programmée

Le mandat de gestion programmée : voila le nouvel outil de prévention des manquements d’initiés ! Les dirigeants de sociétés cotées, opérant sur les titres…

AMF : sanction du dirigeant personne physique d'un émetteur​

AMF : sanction du dirigeant personne physique d'un émetteur​

Le dirigeant d’une société fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 90 000….